Alice, du Génie Civil au conseil en business modèle inclusif
Alice Magand fait partie de la promotion d’Octobre 2017. Ingénieure de formation, elle nous partage son parcours : ce qui l’a poussée à suivre le Programme Associé après plusieurs années passées à travailler pour Vinci à Londres, son expérience au sein d’On Purpose et sa situation actuelle, trois ans après la fin du programme.
Quelle était ta vie d’avant ?
Depuis toujours, je suis curieuse de tout et m’intéresse à une grande diversité de sujets, naviguant des sujets scientifiques aux langues et aux sciences humaines.
A 18 ans, je choisis d’intégrer une classe préparatoire Maths Sup Maths Spé, par goût des mathématiques et du défi. Néanmoins, à cette époque déjà, j’avais conscience que mon attrait pour les sciences humaines allait persister ! Par la suite, j’intègre l’école des Mines de Douai, parce qu’elle offre un parcours tout d’abord généraliste, et aussi orienté sur l’international. Peu avant la fin de cette scolarité, alors que l’entrée dans le monde du travail se rapproche, je choisis de réaliser une année de césure afin d’explorer plus concrètement les chemins possibles (notamment celui du Génie Civil), de découvrir d’autres cultures, et d’épancher ma soif de partir à l’étranger. A l’époque, nous ne sommes que quelques-uns à effectuer cette parenthèse aux Mines, cela n’a donc rien d’évident.
Durant ces 15 mois de césure, je rejoins une filiale de Vinci (Vinci Construction Grands Projets), spécialisée dans les projets à grande échelle à l’étranger, et qui a notamment développé une filière hydraulique. L'accès à l'eau a toujours été un sujet qui m'intéressait, et qui est revenu sous plusieurs formes lors de mon parcours. J’effectue donc 8 mois en Jamaïque sur le terrain, puis 7 mois à Paris en appel d’offre. Je me retrouve ainsi à vingt-deux ans à Kingston, en pantalon et chaussures de randonnée (à défaut de trouver des chaussures de chantier à ma taille sur l’île), à conduire un pick-up sur les routes incertaines, à encadrer une équipe de travailleurs locaux, et à collaborer (parfois avec difficulté) avec des chefs de chantier expérimentés ! Une aventure et des découvertes au quotidien ! Le retour en France, et l’expérience en appel d’offre me permet de rencontrer une équipe passionnée, dans laquelle tous partagent un engouement pour le terrain ! Après cette expérience complexe mais riche d’enseignements, je pars en échange à Montréal terminer mes études. Cet échange à l’Ecole Polytechnique de Montréal m’offre davantage de liberté quant à mes choix de cours, j’en profite pour me former à la gestion de projet, notamment de projets internationaux et en situation de crise.
Tout juste rentrée en Europe, je débute ma carrière chez Vinci, à Londres cette fois, sur le plus grand projet de Génie civil d’Europe de l’époque (Crossrail, construction d’une ligne de RER sur l’axe Est-Ouest, semblable aux travaux du Grand Paris). Un nouveau challenge m’attend. Je travaille cette fois en tunnel, en poste (alternance de journée et de nuit de 12h), dans une équipe très masculine, et internationale. Une fois de plus, j’intègre une équipe terrain soudée, mais suis confrontée à des conditions de travail difficiles (poste de nuit, exigence physique, environnement très confiné) ! A la fin de cette année particulière, je saisi l’opportunité de partir 5 mois en voyage en Asie avec mon conjoint, pour découvrir d’autres horizons. A mon retour, je comprends qu’il me faut consolider mon expérience avant de pouvoir concrétiser un engagement en développement international. Je retourne m’installer à Londres, et repars sur le même projet, mais sur la station multimodale, en surface cette fois-ci.
Quel a été ton déclic ?
En 2017, le rythme effréné (chantier en 24/24, 7/7) impose une pression permanente à toute l’équipe, qui doit se maintenir jusqu’à la fin du projet, deux ans plus tard. Cela entraine des départs dans l’équipe, et avec comme conséquence immédiate à chaque fois, une charge importante pour ceux qui restent. A ce moment-là, je ne me retrouve plus dans mon quotidien, tant sur mon impact, que sur la stimulation intellectuelle que ce métier m’apporte. Le sentiment de devoir me battre au quotidien en tant que femme accentue le sentiment d’épuisement. Après plusieurs mois d’interrogations et de remises en question, j’ai un sentiment de gâchis : l’énergie et le temps que j’investis dans ce chantier pourraient avoir un véritable impact s’ils étaient consacrés à une cause qui a davantage de sens à mes yeux.
Je commence alors plus sérieusement à m’intéresser aux métiers du développement. En parallèle, j’essaye de rencontrer des personnes extérieures à mon environnement professionnel pour mieux appréhender mon champ des possibles, et les passerelles envisageables. C’est grâce à ces rencontres que j’entends parler du Programme Associé On Purpose. Cette période me permet d’identifier deux compétences que je souhaite mobiliser par la suite : la gestion de projet et la gestion humaine.
Puis tout se passe très vite : je démissionne en juin 2017 et postule quelques jours plus tard au programme Associé. Je passe alors mes entretiens et j'apprends durant l'été que je suis acceptée pour la promotion d'Octobre 2017. Avant de débuter le programme sur Paris, dans une volonté de diversifier mon CV, je décide de travailler quelques mois en tant que cheffe de projet pour une start-up qui organise un colloque sur le design de services. Cette expérience me prouve alors que mes compétences en gestion de projet sur des chantiers sont transférables, même dans des domaines éloignés du génie civil.
Que retiens-tu de ton année On Purpose ?
On Purpose a été une année très riche, qui m’a apporté en compétences, en réseau et m’a également permis de rencontrer une promotion de 18 personnes qui partagent la même ambition : faire bouger les lignes ! Nous avons été une promotion soudée, et le sommes encore 3 ans après le programme (au point d’avoir choisi de nous confiner ensemble pour certains !).
D’un point de vue professionnel, je n'en serais pas là où j'en suis aujourd'hui sans le programme. Cela m’a aidé à faire un changement assez radical, pour passer d’ingénieure génie civil à consultante en stratégie spécialisée en business modèles inclusifs.
Durant mon année On Purpose, j'ai effectué un placement chez Innovafeed, qui produit des matières premières dérivées d’insectes à destination de la nutrition animale et en particulier de l’aquaculture. A l'époque, nous étions moins de vingt dans l'entreprise - une expérience très formatrice, qui m'a notamment beaucoup aidé à améliorer la structuration et la gestion de l’incertitude.
Mon autre placement s'est déroulé chez Phitrust Partenaires, une société d’investissement à impact, spécialisée dans le financement et l’accompagnement de projets d'innovation sociale économiquement viables favorisant la solidarité et le développement durable. Mon profil était très éloigné de ce type de structure, mais l’entretien de « speed matching » a été un véritable déclic. J'y ai effectué une mission orientée vers la structuration d’outils mais également avec un rôle d’analyste. Cela m'a permis de m’impliquer sur des sujets financiers et d’acquérir une bonne vision de l’écosystème français de l’économie à impact, un passage obligé étant donné que je rentrais de plusieurs années à l’étranger.
Et maintenant, que fais-tu ?
Je suis consultante senior au sein d’Hystra, cabinet de conseil en stratégie, spécialisé dans les business modèles inclusifs. J’ai découvert cette structure grâce à un chef de projet venu donner une formation sur la base de la pyramide, dans le cadre du programme On Purpose.
Que fait Hystra ?
Nous accompagnons le développement de business modèles qui permettent de faire passer à l’échelle des innovations à impact social ou environnemental. Cela peut prendre la forme, par exemple, de commercialisation de services ou produits à destination des populations à faibles revenus. Nous travaillons avec des grands groupes, des entrepreneurs sociaux et des bailleurs qui souhaitent collaborer avec le secteur privé afin de créer de l’impact positif à grande échelle. En effet, nous sommes convaincus qu’il est impératif de travailler avec le secteur privé pour avoir ce type d’impact et également qu’il faut créer des ponts et partager les connaissances entre les différents acteurs (à ce titre, nos rapports sont tous en open source, et disponibles sur notre site internet).
Nos missions ne se ressemblent pas, et varient tant par la nature des clients que par leur durée. J’ai eu l’occasion d’alterner entre des missions relativement courtes (3 mois) et des missions durant plus d’une année, le tout sur des problématiques variées telles que l’accès à l’énergie, l’accès à la nutrition ou encore la distribution au dernier kilomètre. J’ai notamment eu la chance de partir 6 mois sur le terrain, à Madagascar, au sein d’une entreprise sociale, HERi Madagascar. Ma mission consistait à accompagner le développement d’un nouveau canal de distribution de lampes solaires en zone rurale.
Mes débuts chez Hystra furent une nouvelle fois un défi à relever (et pas des moindres), car l’exigence du conseil ne facilite pas la transition, mais la rend d’autant plus stimulante et intéressante. Bien que certaines de mes compétences acquises précédemment me sont utiles au quotidien (notamment la gestion de projet), il me faut rattraper les bases de ce métier. Je continue donc d’apprendre au quotidien, et c’est précisément une des raisons qui m’ont poussée à m’engager dans cette voie après On Purpose.
Pour finir, je dirais qu’il faut avoir conscience qu’une transition dans un domaine qui ne nous est pas familier requiert un véritable investissement personnel. Il demande de fournir des efforts supplémentaires pour acquérir certaines notions de base, mais aussi prendre conscience que nos précédentes expériences professionnelles, de profils dits parfois « atypiques », sont de vraies forces.
Cet article fut écrit à quatre mains, avec l'aide d'Alice. Merci à elle !