On-Purpose

De la RSE à l’ESS : la reconversion de Marion

Près de 7 mois après avoir rejoint le Programme Associé au sein de la promotion d’Avril 2016, Marion a souhaité partagé son parcours et l’histoire de sa reconversion.

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Mon parcours de vie est, somme toute, assez classique : une école de commerce, deux ans à l’étranger en Chine et aux Etats-Unis, puis une deuxième école de commerce pour faire un MBA en Développement Durable. J’ai toujours su que je voulais contribuer à la protection de l’environnement et à la justice sociale, mais je ne savais pas trop ni où, ni comment.

En stage de MBA, une entreprise de logiciels en RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) me donne ma chance pour 6 mois, pour travailler sur un projet de réseau social professionnel sur le Développement Durable. Je vais y rester 6 ans.

Enablon est en fait l’un des premiers fournisseurs mondiaux de solutions logicielles pour gérer les données non financières des entreprises : gaz à effet de serre, déchets, qualité de l’air, répartition hommes femmes, sécurité au travail, mais également évaluation des risques. Presque tout le CAC40, et des centaines d’autres grosses entreprises, utilisent ces logiciels pour leurs politiques RSE, HSE et Gestion des Risques. Les thématiques sont diverses, les enjeux gigantesques et les missions passionnantes.

Mon projet de réseau social se développe, évolue, ralentit… Finalement nous décidons de “pivoter” pour le réorienter vers un outil digital qui aiderait les entreprises à être plus transparentes et à publier des rapports RSE en ligne. J’évolue moi aussi : de Community Manager, je passe à Marketing Manager avec différentes casquettes : communication, partenariats, gestion produit. Pourtant quelque-chose me manque : l’envie de travailler sur du concret, d’avoir l’impression de changer le monde en me levant le matin, de contribuer plus concrètement à la construction du monde de demain, plus juste et plus respectueux de l’environnement.

C’est alors que je tombe lors d’une conférence sur le livre des cofondateurs de Ticket for Change, Jonas Guyot et Matthieu Dardaillon : “Les entrepreneurs qui changent le monde”. A l’intérieur, moult exemples d’entrepreneurs sociaux qui créent des entreprises sociales ou environnementales partout dans le monde. Quelques années après avoir lu “Social Business” du professeur Yunus en école de commerce, c’est un deuxième coup de foudre. Un passage attire particulièrement mon attention : il présente un programme anglais de “reconversion” de jeunes professionnels en quête de sens dans le secteur de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire). Le programme dure un an et prévoit deux missions de 6 mois rémunérées dans deux entreprises du secteur, des formations hebdomadaires et l’accompagnement par des mentors et un coach pour construire notre projet professionnel. A la suite du programme, une majorité de participants sont directement embauchés dans le secteur, avec des salaires équivalents à ce qu’ils pouvaient toucher avant. Le projet s’appelle “Programme Associé On Purpose”, a été créé à Londres il y a quelques années, et vient de se lancer en France.

Séduite, je me laisse le temps de la réflexion et postule sans trop croire à mes chances un week-end, trop impressionnée par le processus de recrutement musclé. Deux jours avant Noël, un coup de fil m’apprend que j’ai été prise : je commence ma première mission dans 3 mois ! Tout juste le temps de poser ma démission et de réaliser que je viens de bousculer mon destin et faire un bond dans l’inconnu…

L’inconnu, c’est de sortir d’un CDI très bien payé, dans une entreprise où on est reconnue et dans laquelle on travaille avec des collègues qui au fil des années sont devenus des amis, pour deux CDDs de 6 mois payés au SMIC dans deux entreprises qu’on ne connaît pas encore…il y a forcément un moment où on se dit “est-ce que je ne suis pas en train de faire une connerie?”. Mais l’envie de changer le monde et de sortir soi-même de sa zone de confort est trop forte, je fonce tête baissée en me disant que c’est en prenant des risques qu’on apprend le plus…et qu’on se sent le plus vivant !

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La première mission qui m’est attribuée se déroule chez MakeSense, association qui aide les entrepreneurs sociaux à résoudre leurs défis par des ateliers créatifs, intitulés “hold-ups”. J’aide plus particulièrement la branche CommonsSense qui réapplique les outils et méthodologies d’innovation de MakeSense dans les grandes entreprises. Le secteur est dynamique, et la croissance de l’équipe l’est encore plus : de 3 collaborateurs il y a un an et demi, ils sont désormais plus de 10 à travailler quotidiennement sur de l’animation de communautés et l’organisation de séminaires pour des clients comme Vinci, Danone ou La Ruche Qui Dit Oui. Ma mission a deux objectifs principaux : accompagner leur changement d’échelle, c’est à dire mettre en place de nouveaux processus et documents pour aider l’équipe à s’organiser et se structurer, et évaluer l’impact de leur travail chez leurs clients, et plus particulièrement les communautés.

“Changement d’échelle”, “étude d’impact”, sont des termes très à la mode dans le secteur de l’ESS, et qui font l’objet de nombreux articles et conférences. Pourtant, ce n’est pas des compétences ou des “savoir-faire” que je retiens le plus de cette première expérience chez MakeSense, mais bien des “savoir-être”.

MakeSense est une organisation très jeune (99% des équipes ont moins de 30 ans), mais pourrait pourtant donner des leçons aux entreprises plus traditionnelles sur le management et le développement de la créativité (ce qu’elle fait d’ailleurs!). Les deux mots qui me viennent à l’esprit pour décrire la culture MakeSense sont collaboration et innovation. Deux valeurs qui résument à merveille la fameuse “Génération Y”.

Dès le premier jour de travail, on est mis dans l’ambiance : trois jours d’onboarding avec au programme une formation sur “Comment donner un feedback” et un “Entremiam”, déjeuner co-organisé et co-cuisiné par les nouveaux arrivants dans la grande cuisine du Sensespace, pour faire connaissance et déjà mettre en pratique nos capacités de leadership et de collaboration. On nous forme également à “donner et recevoir un feedback”. En effet, le feedback est un élément très important de la culture MakeSense : à la fin d’un projet, il n’est pas rare de voir des équipes s’interroger sur “qu’est-ce qu’on aurait pu faire différemment?”, que le projet ait été un succès ou non. Prendre 10 minutes à la fin d’une mission pour cette petite phrase, qui a l’air si banale et si évidente, est pourtant loin d’être la norme dans le monde de l’entreprise, souvent trop pressée de passer au projet suivant.

J’ai des dizaines d’autres exemples de pratiques que j’ai découvert dans cet éco-système pour favoriser la créativité et la collaboration, en voici quelques-uns :

  • Chez MakeSense, on commence les réunions d’équipe par les “Ups pro et perso”, c’est à dire par un partage de ses deux temps forts personnels et professionnels de la semaine précédente.
  • Chaque collaborateur faisant face à une problématique particulière peut inviter tous les membres de l’éco-système qui le souhaitent à une réunion de 30 minutes, un “Pop-Up”, pour brainstormer sur des idées de solutions.
  • Des groupes de travail transversaux sont créés pour réfléchir ensemble à des sujets globaux comme la gouvernance ou les valeurs de l’organisation, et tout le monde peut y participer, du stagiaire fraîchement arrivé au co-fondateurs de la structure.
  • Ici, point d’évaluation annuelle à huis-clos avec un manager qui revoit froidement nos “chiffres” et notre performance, mais des objectifs proposés par les employés eux-mêmes, en coercition avec le reste de leur équipe, et des revues 3 à 4 fois par an, tous ensemble, au sein d’une réunion de “feedback” bienveillante et constructive.

Evidemment, quand on vient d’une organisation plus classique avec un mode de fonctionnement très différent et davantage hiérarchique, on n’est pas forcément à l’aise immédiatement avec toutes ces nouveautés. Mais les moments de doute et de remises en question représentent aussi l’essence du Programme Associé On Purpose : il s’agit certes de développer de nouvelles compétences, mais aussi et surtout de développer une nouvelle manière de voir l’entreprise, et notre place au coeur de celle-ci.

Nous sommes accompagnés tout au long de ce chemin par des mentors, des coachs, des cours passionnants tous les vendredis après-midis sur le monde de l’ESS, mais également des sessions sur notre développement personnel : test de personnalité, découverte de notre génie personnel, techniques d’influence, communication non violente… Cet enrichissement est bien plus important que ce que j’avais imaginé au départ. J’ai rejoint le programme en pensant évoluer en tant que professionnelle, j’ai finalement grandi en tant que personne.

J’ai commencé la semaine dernière ma deuxième mission chez Emmaüs France, et je suis sûre que les 6 prochains mois seront aussi riches que les premiers. Je remercie toutes les personnes que j’ai pu côtoyer chez MakeSense, et plus particulièrement Leila, pour leurs retours bienveillants et pour avoir contribué à illuminer mon chemin.