On-Purpose

Du bénéfice à l’impact : vision d’un jeune curieux

François Benichou est Associé On Purpose au sein de la promotion parisienne d’Avril 2017. Après un retour sur son expérience passée, il tord le cou aux idées reçues sur les entreprises sociales. Que sont-elles, que font-elles et comment font-elles ? Il nous en dit plus.

Il y a presque un an, lorsque j’ai décidé de rejoindre le mouvement des entreprises sociales, je connaissais peu le sujet. Comme la majorité des gens, j’avais des a priori et des idées reçues sur ces structures assez méconnues. Cet article vise donc à partager avec vous ce que j’y ai découvert, avec mes yeux d’ex “pur produit du système privé”.

Un peu de contexte s’impose.

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A la sortie de Dauphine, j’ai travaillé deux ans et demi comme consultant chez Ernst & Young. J’ai participé à la gestion de nombreux projets dans des banques et fonds d’investissement. J’ai évolué dans un milieu très structuré et très formaté.

Puis j’ai voulu découvrir le job de commercial et l’Afrique. Je suis alors devenu Chef de zone Export dans une ETI familiale qui distribue du matériel industriel. Là, j’ai appris à “faire du chiffre”, à vendre, à gérer de la logistique et ce, en voyageant beaucoup.



Enfin, j’ai voulu vivre une expérience plus dynamique, j’ai donc fait du ‘business development’ dans une start-up spécialisée dans les objets connectés. J’y ai découvert le monde des start-up, de l’innovation et de la R&D, des levées de fonds, de la “French Tech”…

(Par ailleurs, j’ai été steward chez Air France, j’ai travaillé dans une banque africaine au Mali, une boulangerie à Londres, etc.)

Inutile de détailler davantage mon CV. Vous l’aurez compris, en 7 ans de vie professionnelle dans le secteur privé lucratif classique, j’ai eu un parcours plutôt hétéroclite. Cela me permet d’avoir un certain recul pour appréhender ce que je découvre chaque jour dans l’entrepreneuriat social.

Je tiens à préciser dès maintenant que cette analyse ne représente que ma vision et mon ressenti sur les structures que j’ai pu côtoyer. Voici donc ce que j’y ai découvert.

“C’est des utopistes, non ?”

Tout d’abord, oubliez les clichés sur le monde associatif. Ce n’est pas un environnement ‘fleur bleue’ où les gens vivent sur un nuage en écoutant Bob Marley (pour rester poli). Croyez moi, on ne s’y tourne pas les pouces et certains ne comptent pas leurs heures.

La différence majeure est l’objectif même de la structure. Contrairement à l’entreprise classique qui vise à maximiser son bénéfice, l’entreprise sociale se donne pour mission de maximiser son impact (qu’il soit social, environnemental ou autre). Ici, pas d’actionnaires, mais des bénéficiaires. Et là, ça change la donne.

Cela signifie que le KPI principal n’est plus le bénéfice net mais la “mesure d’impact”. Chaque organisation a ses propres indicateurs selon sa mission : ce peut être le nombre de bénéficiaires aidés, la baisse du taux de discrimination, la quantité de déchets recyclés, etc. Et ce sont ces mesures qui pilotent l’activité et l’évolution des résultats de la structure. J’ai été très agréablement surpris quand j’ai constaté ce changement de paradigme et ces impacts au quotidien.

Attention, cela ne veut pas dire que l’argent n’est pas essentiel, bien au contraire. Mais l’argent a la place qu’il devrait avoir intrinsèquement, c’est-à-dire qu’il est seulement un outil pour atteindre d’autres objectifs, et non pas pour s’enrichir à titre personnel. Évidemment la première conséquence est non négligeable : la rémunération des collaborateurs. Attendez-vous à faire un sacrifice mais pas de quoi s’alarmer non plus. Si vous avez de l’expérience et prenez des responsabilités, vous pourrez atteindre dans certaines structures des salaires très honorables pour vivre à Paris.

“Les assos vivent sous perfusion de l’Etat”

Le financement est un enjeu clef et ces structures mettent en place des départements très organisés pour collecter des fonds. Elles recherchent entre autres : des subventions (publiques, fondations privées…), des dons (grandes fortunes ou grand public), des instruments financiers classiques (capitaux propres, prêts…) et des revenus issus de la vente de prestations ou de produits. Certaines organisations développent de plus en plus cette dernière typologie de revenus pour se libérer des autres. Il y a une vraie tendance du secteur à définir des modèles économiques viables pour financer son développement. Les dirigeants, qui ont de véritables tempéraments d’entrepreneurs “sociaux”, cherchent à diversifier au mieux leurs sources de financement. C’est là que ça devient intéressant !

Oui, il leur faut des modèles économiques pertinents car ces entreprises sociales évoluent sur des marchés concurrentiels. Par exemple, des milliers d’associations sollicitent les mêmes fondations et ces dernières doivent choisir de ne financer que celles qui leur semblent les plus efficaces.

A mes yeux, cette concurrence est même saine ! Elle oblige les structures à se remettre en question, à pivoter leur modèle, à nouer de nouveaux partenariats, etc. En d’autres termes, il faut innover pour être toujours plus performant et c’est très excitant. Il y a de l’innovation à tous les niveaux : dans l’activité même (utilisations des nouvelles technologies, du web …), dans les modes de financement (Social impact bonds, Impact Investing…), dans les partenariats (Joint ventures entre privé et ESS, …), dans les réseaux (Ashoka…). Ça bouillonne ! Et je pense même que c’est le manque de moyens qui pousse à cette créativité.

“Mais ça consiste en quoi concrètement ? c’est des maraudes la nuit ?”

La concurrence se joue aussi sur un autre terrain : les RH. Comme partout, ces entreprises recherchent les meilleurs collaborateurs. Quasiment toutes les fonctions sont représentées. Soyez en sûrs, vous avez tous des compétences à apporter et le secteur est même friand de profils qui ne viennent pas de l’ESS ! La réussite du Programme Associé On Purpose en est la preuve.

Ces entreprises sociales travaillent par ailleurs avec des partenaires de grandes qualités : cabinets d’avocats anglo-saxons, grands cabinets de conseil, SSII, développeurs IT, agences de communication… Certaines de ces entreprises les accompagnent même en pro bono car elles croient en leurs projets et veulent contribuer à leur cause. Travailler avec ces partenaires est un luxe que peu d’entreprises classiques peuvent se payer.

Attention, ces entreprises sociales sont également composées d’humains et non de surhommes. Il existe par conséquent toujours des problèmes de management, de manque de reconnaissance, des injustices, des désillusions, etc. Et d’autant plus quand on y mêle l’affect lié à la cause défendue.

OSEZ !

Je ne vais pas lister ici tout ce qui rapproche et différencie l’entreprise classique de l’entreprise d’intérêt général. Une des choses essentielles que j’ai apprises est que, certes leurs missions sont foncièrement différentes (et les deux sont louables), mais les moyens et le professionnalisme mis en place pour atteindre les objectifs sont semblables. D’autres modèles économiques efficaces existent donc. C’est en cela que je trouve ce mouvement passionnant, d’un point de vue intellectuel et opérationnel.

Si vous cherchez plus de profondeur et de sens dans votre métier, tout en apprenant et en étant challengé au quotidien, vous pourrez vous épanouir dans nombreuses de ces structures. Il y a des sujets très intéressants à traiter, beaucoup d’innovation à développer et de projets à piloter. Vous pourrez vivre des expériences aussi excitantes et enrichissantes que dans les start-up tech qui ont le vent en poupe. Pour ma part, je me suis senti plus vivant et valorisé en quelques mois chez Mozaïk RH qu’en 7 ans dans le privé.

Que vous soyez de la génération silencieuse, baby boomers, X, Y, Z, n’ayez pas peur !

Chacun peut contribuer à son échelle à travers le bénévolat, le mécénat de compétences, l’emploi direct, l’entrepreneuriat ou même via un simple don.

Osez !