ESS et innovation sociale, qui fait mieux, le Royaume-Uni ou la France ?

L’innovation sociale, l’entrepreneuriat social sont des secteurs d’avenir. Deux des hubs mondiaux sont voisins. Comment les faire collaborer? Quelles sont les forces et faiblesses de chacun? Félix Beaulieu, co-fondateur d’On Purpose à Paris nous explique cela dans cet article.

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Ayant travaillé ces 5 dernières années dans de multiples organisations des deux côtés de la manche (mon twitter), voici mon aperçu de la situation :

De nombreuses similarités

  • [Dans ce blog, nous nous intéresserons à tous ces sous-secteurs. En effet ces types d’organisation ou de projets qui combinent des dynamiques économiques et sociales et/ou environnementales, correspondent aux organisations où peuvent travailler des Associés On Purpose]
  • Large spectre d’activités : tout type d’organisations, d’outils ou d’échelle d’actions existent des deux côtés de la manche. Cela va du lancement de multiples start-ups au renforcement des entreprises sociales existantes en passant par le prototypage et l’amélioration de projets portés par des départements RSE/innovation sociale/stratégie de multinationales.
  • Grande dynamique actuelle : le “mouvement” des entreprises sociales (je préfère donc ce terme à celui de “secteur”, trop restrictif) est en croissance forte. C’est même partout l’un des domaines de l’économie avec la plus forte croissance de ses activités. (voir liens ci-dessus sur taille du mouvement)
  • Un focus sur les entrepreneurs et les multinationales : j’ai l’impression que dans ces deux pays, l’innovation sociale passe beaucoup par la création de start-ups et les initiatives des grands groupes. Ces leviers sont absolument indispensables c’est certain, et ont des boulevards d’opportunités devant eux, mais en parallèle quid du soutien aux structures déjà existantes, de taille petite ou moyenne, pour continuer à les professionnaliser et accroitre l’ampleur de leurs activités?
  • Parmi les hub mondiaux : La France et le Royaume-Uni, leurs capitales comme le reste du pays, se classent parmi les lieux au monde où il se passe le plus de choses dans ces domaines. Citons pour les autres hubs de classe mondiale San Francisco, l’Inde, le BrésilNairobi (Kenya), New-York, les Philippines et plus récemment la Thailande.

Des forces et faiblesses bien différentes

Forces du mouvement au Royaume-Uni :

  • Le marché de l’investissement social institutionnel est plus important. Il est plus structuré, avec de multiples fonds d’investissements spécialisés (Big Society Capital, social hedge fund de 600 millions de GBP£ tient une liste complète) même si en France, sous les radars, les fonds tels que les fonds 90/10 ont amenés de grandes sommes pour un secteur encore à ses débuts.
  • Le marché de l’investissement participatif (crowdfunding) y est aussi bien plus important.
  • Un soutien politique bi-partisan Big Society Capital par exemple a été initié par un comité bi-partisan il y a 15 ans sous Tony Blair, les fondations ont été construites par le Labour sous Gordon Brown, et les conservateurs l’ont lancé sous Cameron, en en changeant le nom au passage pour que cela colle avec leur politique.
  • Le marché de la mesure de l’impact social y est bien plus développé, conséquence très liée au développement de l’investissement social, bien que ce soit peut-être aussi lié au goût des britanniques pour la comptabilité.
  • La culture y est plus pragmatique et les discussions, moins souvent théoriques (définitions, etc), se focalisent sur les modèles économiques.

Faiblesses du mouvement au Royaume-Uni :

  • Il y a eu un peu trop d’argent facile, venant des fonds philanthropiques de la city, et cela a incité certaines entreprises sociales à ne pas faire l’effort de pérennisation de leur revenus avec modèles économiques commerciaux.
  • Les réductions des budgets publics sont si rapides et si importantes, que les entreprises (très) sociales, particulièrement de type délégation de services publics, à qui l’on demande également d’augmenter la part de leurs revenus commerciaux, sont en train de subir soudainement ces réductions sans avoir eu le temps de s’adapter.


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Forces du mouvement en France :

  • Il y a plus de coopératives, certainement car il y a un monde agricole bien plus vivant en France (mais leurs méthodes de production sont-elles vraiment durables?) il y a également plus de mutuelles de santé et d’assurance.
  • Maintien d’une avance sur le traitement des déchets et bon départ pour l’économie circulaire. C’est une des faiblesses du Royaume-Uni, c’est donc difficile de comparer mais la France s’intéresse vraiment depuis peu à l’économie circulaire. Cela se voit par le travail des collectivités publiques (Paris veut être championne mondial de l’économie circulaire et la Loi de transition énergétique de 2014 fait un peu progresser le concept), cela se voit également car il existe un fort mouvement citoyen et un écosystème innovant de start-ups spécialisées (repair cafésfablabsZéro WasteFondation Ellen MacArtur).
  • Très fort intérêt des étudiants et les jeunes professionnels pour toutes ces opportunités. Il y a depuis plusieurs années un engagement d’écoles et d’Universités sur le sujet. L’Essec étant parmi les pionnières et d’autres ont rejoint. Je suis partie prenante évidemment mais je pense sincèrement que la communauté MakeSense, très active notamment à Paris depuis 2011, a fortement contribué à la création de ce momentum parmi les nouvelles générations et a servi de plateforme pour que d’autres initiatives similaires construisent des communautés engagées (NoiseTicket For ChangeDiscoSoupe) ou redynamise leur mouvement (Enactus).

Faiblesses du mouvement en France :

  • Forte résistance de certains des plus grands acteurs de l’ESS (en poids économique) à faire évoluer le cadre législatif ou les concepts du secteur.


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Les opportunités d’émulation à explorer

La France et le Royaume-Uni sont parmi les pays les plus actifs au monde sur ces mouvements qui cherchent à concilier impacts sociaux positifs et modèles économiques pérennes, et ces deux pays sont voisins. Il n’y a pourtant que très peu de collaboration entre eux, et autant de pistes à explorer :

  • Créer des entreprises sociales internationales
  • Répliquer les innovations sociales des grands groupes multinationaux pour qu’elles franchissent les frontières (DeloitteOrange)
  • Développer les franchises
  • Tisser des réseaux européens, car les réseaux les plus importants au Royaume-Uni sont surtout ceux du monde anglo-saxon (B-CorpsNet ImpactBSR)

Ces opportunités pour l’avenir commencent à peine à être explorées pour aller plus vite dans le développement de ces projets. A l’heure de l’Europe, et du dépassement des frontières, on peut accélérer.

C’est toute la pertinence de ce que peut devenir On Purpose.

On Purpose est une communauté. La première brique en effet c’est un programme de niveau international rémunéré de développement du leadership pour permettre à des professionnels de se (re)orienter et de devenir des dirigeants dans ce mouvement innovant (voir www.onpurpose.fr) . Au dela du programme c’est une communauté de praticiens de haut niveau, à l’éthique humaine et professionnelle irréprochable, qui adoptent une pensée transversale et pragmatique sur les solutions économiques à apporter à des problèmes sociétaux. C’est surtout une communauté poussée à la collaboration et qui devient, avec le lancement d’On Purpose à Paris, une communauté internationale (teasing : avant d’autres capitales européennes). Nous en rejoignons d’autres communautés de reflexions et d’actions pour une économie positive.

Il y a donc une opportunité pour que nous puissions contribuer, de l’intérieur des organisations, aux échanges des meilleures pratiques entre les pays. Nous serions ravis d’avoir vos conseils sur la meilleur façon de procéder et d’y travailler avec vous.

D’ici là, nous recrutons les Associés (jusqu’au 18 Mai!) et les Organisations Hôtes (jusqu’au 12 Juin) du programme On Purpose Octobre 2015 — Octobre 2016.


Ecrit par Félix Beaulieu