On-Purpose

French Impact : un milliard et deux questions

Augustin est Associé On Purpose, et a réalisé son premier placement chez SoScience, entreprise spécialisée en Recherche et Innovation à impact.

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“Peut-on encore parler français?”

Si le French Impact ne fait pas l’unanimité sur les réseaux sociaux, il a décerné le 12 juin 2018 ses vingt-deux premiers lauréats.

A terme, l’ensemble des entrepreneurs sociaux désignés se partageront 1 milliard d’euros d’investissement.

Cette initiative gouvernementale a une vertu symbolique : enfin, l’économie sociale et solidaire (ESS) n’est plus associée, dans l’imaginaire collectif, aux kermesses solidaires et assos subventionnées.

Oui, marier efficacité économique et impact social n’est pas une utopie, oui les entreprises sociales sont une alternative à l’entrepreneuriat classique.

En tant qu’Associés On Purpose, forcément, on se lèche les babines. Mais, comme il vaut mieux réfléchir avant de manger, nous posons deux questions.

La première : à l’examen des lauréats, près de 90% des lauréats sont des activités de service : le French Impact est-il voué à ne pas produire de produits? La célèbre entreprise de vêtements responsables Patagonia est-elle à l’ESS de France ce qu’Ushuaïa est au monde?

1 milliard, c’est aussi le chiffre d’affaires du Groupe SOS fondé en 1984 par Jean-Marc Borello, figure de proue d’un mouvement en quête de héros.

Suivront Vitamine T, Siel Bleu, Môm’artre…Insertion, accès au soin, services aux séniors et aux mômes : entrepreneuriat social, première vague.

Puis l’entrepreneuriat social a glissé sur la vague du digital (Simplon, WeTechCare…) et des post-it multicolores (Makesense, Ticket for Change…).

Ils incarnent l’entrepreneuriat social moderne et connecté, ce sont eux dont nous échangeons les vignettes Panini à la récré, viens je te file un Fred Bardeau contre un Christian Vanizette. Deuxième vague.

Il en faudra sans doute plus pour engloutir les parts de marché, conquérir tous les jeunes diplômés HEC et convertir l’économie traditionnelle (les entreprises à impact représenteraient moins de 10% de notre économie).

Pourtant, au loin, une troisième vague. Une armée d’entrepreneurs appelés “Social Scipreneurs” ou “Sciencepreneurs sociaux” : ces entrepreneurs sociaux qui font appel à la recherche scientifique (au-delà du numérique).

Un savon répulsif contre la malaria, un ballon dirigeable photovoltaïque, un robot pour enfants autistes, un drône semeur de graines ou livreur de colis, un éclairage bioluminescent grâce aux bactéries de calamars, un hydrorétenteur biosourcé, une gourde éco-conçue, une mayonnaise sans oeufs…Ces produits existent ou sont à l’état de fœtus.

Ce sont autant de noms d’entreprises associés (Glowee, Zephyr Solar, Leka…) qui pourraient être de la fête à l’Impact.

Il faudrait, pour cela, que les spécificités de ces projets, qui demandent plus de temps et d’investissement, soient reconnues par le gouvernement.

Il faudrait que les fonds d’investissement à impact prennent le risque de financer la recherche scientifique.

Seconde question : le French Impact est-il une carotte ?

Tandis que le gouvernement promet un milliard d’investissement, il freine des quatre fers, Bercy en tête, pour ne pas rendre les entreprises sociales éligibles au mécénat.

Pour rappel, le mécénat (dons sans contrepartie) n’est pour le moment accordé qu’à des structures (associations, fondations…) qui œuvrent dans l’intérêt général.

Imaginons ce jour où des SARL entreprises sociales — qui œuvrent déjà dans l’intérêt général — bénéficieraient massivement de dons et legs défiscalisés : et c’est toute la frange des entreprises traditionnelles qui ne verraient plus les entrepreneurs sociaux en cousins malins avec qui il est bon de fricoter pour son rapport RSE, mais comme de dangereux concurrents.

Ce serait mettre en lumière deux conceptions de l’économie :

L’une, laissant libre cours au capitalisme traditionnel, et le soin aux gagnants de coller des millions de pansements via leurs propres fondations.

L’autre investissant directement dans des entreprises d’intérêt général, qui seraient notamment financées par des fondations visionnaires.

Ce serait reconnaitre l’entrepreneuriat social non plus comme un secteur de l’économie, mais l’avenir de l’économie.

C’est une boite de Pandore que certains ne sont pas prêts à ouvrir.

Augustin Billetdoux