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Lemon Tri : le pari de l’industrie du tri grâce à l’insertion

Les Associés d’On Purpose vous emmènent sur le terrain à la rencontre des projets et professionnels de l’ESS pour rendre compte de la diversité des structures et de leur impact.

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Le traitement de nos déchets, le mal du siècle

A l’heure où des micro-particules de plastique sont découvertes dans la banquise et où les pays du globe se renvoient des cargos entiers de déchets clandestins, il apparaît essentiel d’industrialiser le recyclage des déchets si nous ne voulons pas transformer la planète en une gigantesque île poubelle.

Si les particuliers sont de plus en plus sensibilisés aux enjeux de la gestion des déchets, les entreprises, elles aussi, ont leur part de responsabilité : les entreprises génèrent l’équivalent de 700kg de déchets par habitant en moyenne chaque année — soit 15% de l’ensemble des déchets français — (source : Ademe « Déchets Chiffres Clés — L’essentiel 2018 ») et malgré l’obligation depuis 2016 de trier à la source et de valoriser 5 flux de déchets, ce traitement reste très variable en fonction des secteurs, des types de déchets ou de la taille des entreprises.

Le potentiel d’amélioration reste donc très important et laisse la place à l’industrialisation d’actions ciblées. C’est notamment le cas sur le tri des déchets : en moyenne, 17% des déchets produits en entreprise sont refusés pour cause d’erreur de tri. Un problème qu’ambitionne de résoudre la société Lemon Tri.

Lemon Tri x Lemon Aide : l’innovation au service de l’impact social et environnemental

Créée en 2011, Lemon Tri lance son activité en s’inspirant d’un modèle en vigueur dans les pays nordiques : l’utilisation de consignes sur les emballages de boissons.

Le principe est simple : au travers de contenants ludiques et incitatifs au tri sélectif, les usagers sont invités à déposer leurs déchets dans le bon contenant. La jeune startup s’attaque alors à la première cause d’erreur de tri : le manque d’information. Car selon une étude Ipsos parue en 2014, près de la moitié des personnes interrogées affirmaient trier davantage si les informations étaient plus claires et presque 9 interrogés sur 10 souhaitaient disposer de consignes de tri sur les emballages. Les machines Lemon Tri ont ainsi l’avantage d’inciter les usagers en les récompensant en bons d’achat ou en reversements à une association, mais également de détecter les erreurs de tri voire de mettre dans le bon bac les différents produits déposés.

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           Lemon Tri propose un large panel de bacs et contenants incitatifs au tri sélectif

Depuis, le secteur est en croissance et la feuille de route de l’économie circulaire accélère la tendance. Depuis 2016, la loi impose à un nombre toujours plus croissant d’entreprises de trier ses déchets sur 5 flux principaux : papier/carton, métal, plastique, verre, bois. Pour accompagner cette tendance, Lemon Tri s’est ainsi peu à peu diversifié : du simple équipement en machines de tri, la société s’est mise tout d’abord à proposer un accompagnement dédié pour renforcer la visibilité des équipements et tracer les quantités d’emballages tout au long de la chaîne de valorisation, puis a créé en partenariat avec le fonds Danone Ecosystem et la FACE une filiale de collecte, de tri et d’acheminement des déchets vers les recycleurs finaux, baptisée Lemon Aide.

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Aujourd’hui, l’entreprise collecte et trie les déchets pour les acheminer vers les différents recycleurs partenaires

Mais si l’entreprise a su s’adapter au contexte économique et législatif, sa particularité réside dans son modèle économique et social. Rencontre avec Christian Charousset, Fellow On Purpose Avril 2017 et désormais Responsable Commercial et Qualité chez Lemon Aide.

La start up fait déjà preuve d’innovation au travers de ses machines et de son offre de service mais se différencie aussi par son impact social. « Avec Lemon Aide, c’est un véritable programme d’insertion sur les métiers du recyclage et de la logistique qui est proposé aux personnes éloignées de l’emploi. Et ça marche : 70% des personnes intégrées retrouvent un emploi ou une formation qualifiante à la sortie, principalement dans les milieux des déchets et du BTP, mais pas seulement. Cette année, nous avons même une personne qui a retrouvé du travail en tant que facteur » nous précise Christian.

Tous les 8 mois, Lemon Aide accueille des promotions de 8–9 personnes qui intègrent un important dispositif de formation : des formations tous les vendredis sur des sujets aussi variés que la logistique, la relation client, la construction d’un CV ou encore le théâtre ; un mentor bénévole spécialisé dans le secteur qui les accompagne et la possibilité de découvrir 2 métiers dans l’entreprise, la collecte et le tri.

Une impression de déjà vu ? C’est bien possible, car ce programme a été largement inspiré par … On Purpose ! L’entreprise compte déjà 3 fellows, dont Maud Curial, Directrice Générale de Lemon Aide, qui a construit le programme d’insertion.

Trier ou réduire, faut-il choisir ?

Et si le modèle de Lemon Tri parvenait à résoudre le problème des erreurs de tri ? Et si chacun des produits une fois consommés parvenaient à destination de leur recycleur dédié ?

Cette utopie, même réalisée, aurait ses limites. A date, tous les types de matière n’ont pas encore trouvé de filière de recyclage. Et quand bien même c’était le cas, hormis le verre et le métal, qui est recyclable à l’infini, chaque matériau a un nombre de vies limités : « le papier peut être recyclé 9 fois et le PET, 2 à 3 fois maximum » nous avoue Christian. Sans compter que pour recycler, il faut mouiller, chauffer, écraser, retravailler la matière : ce n’est pas sans puiser dans les ressources en énergie et en eau, qui tendent aujourd’hui à se raréfier et à participer au réchauffement climatique.

Face à la complexité des filières de recyclage et aux limites de l’économie dite circulaire, le plus efficace reste encore de réduire ses emballages quand c’est possible. « J’ai du mal à justifier le besoin de consommer autant de bouteilles plastique encore aujourd’hui», nous confie Christian.

C’est vrai qu’en visitant les usines de tri de l’enseigne, les images sont parlantes : « une montagne comme celle-ci correspond à une demi-journée de travail » nous explique Christian.

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Ça x 2 x 365 et on a le total des déchets de moins de 10% des entreprises françaises sur une année. De quoi donner le tournis…

Alors on se dit que le tri ce n’est pas la seule solution.

C’est plutôt couplé avec d’autres actions fortes de réduction des déchets que ce modèle doit être envisagé sur le long terme — Lemon Tri propose d’ailleurs des ateliers et des solutions allant en ce sens.
Des actions ciblées portées par les particuliers, bien entendu, mais également par les organisations.
Le cabinet Carbone 4 évalue à 75% la part nécessaire à fournir par le collectif — à savoir l’état et les entreprises — dans la répartition des efforts pour réduire notre empreinte carbone dans le respect des accords de Paris. (source : Etude « Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’Etat face à l’urgence climatique » publiée par Carbone 4 en juin 2019)

« La création d’une responsabilité environnementale pour les producteurs de cigarettes, de jouets, ou d’articles de sport pourrait être une première mesure assez impactante pour limiter la production de déchets évitables » propose Christian.

Mais le chemin reste encore long avant de véritablement inverser la tendance.La fameuse maxime « Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas» reste donc toujours autant d’actualité.