Marion : « Je pensais évoluer en tant que professionnelle. J’ai finalement grandi en tant que personne. »
Avant, Marion vendait aux grandes entreprises des solutions logicielles pour mesurer leurs externalités. Aujourd’hui, elle a décidé de sauter le pas pour avoir un impact sociétal encore plus fort et plus concret en travaillant en entreprise sociale.
Quelle était ta vie d’avant ?
Mes études et mes débuts professionnels ont été assez classiques : une école de commerce, deux ans à l’étranger, puis une deuxième école de commerce pour faire un MBA en Développement Durable. Pour mon stage de fin d’études, une entreprise de logiciels en RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) me donne ma chance pour 6 mois, pour travailler sur un projet de réseau social professionnel. Je vais y rester 6 ans. Basée à Courbevoie, cette entreprise fournit les grandes entreprises du CAC40 en solutions logicielles pour gérer leurs données non financières : gaz à effet de serre, déchets, qualité de l’air, répartition hommes femmes, sécurité au travail…
J’adore ce que je fais, et mon rôle évolue (de Community Manager, je passe à Marketing Manager avec différentes casquettes : communication, partenariats, gestion produit), mais pourtant quelque-chose me manque : l’envie de prendre des responsabilités, d’avoir l’impression de changer le monde en me levant le matin, de contribuer plus concrètement à la construction du monde de demain, plus juste et plus durable. J’ai toujours su que je voulais contribuer à la protection de l’environnement et à la justice sociale, mais je ne savais pas trop quelle voie suivre pour activer “l’étape d’après”.
L’élément déclencheur ?
Je suis tombée, lors d’une conférence, sur le livre des cofondateurs de Ticket for Change, Jonas Guyot et Matthieu Dardaillon : “Les entrepreneurs qui changent le monde”. A l’intérieur, moult exemples d’entrepreneurs sociaux qui créent des entreprises sociales ou environnementales partout dans le monde. Quelques années après avoir lu “Social Business” du professeur Yunus en école de commerce, c’est un deuxième coup de foudre. Un passage attire particulièrement mon attention : il présente un programme anglais de “reconversion” de jeunes professionnels en quête de sens et qui souhaite travailler en entreprise sociale (des organisations qui ont un modèle économique tout en ayant un fort impact sociétal positif) . Le programme dure un an et prévoit deux missions de 6 mois rémunérées dans deux entreprises ou association de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), des formations hebdomadaires et l’accompagnement par des mentors et un coach pour construire notre projet professionnel. A la suite du programme, une majorité de participants sont directement embauchés dans le secteur, avec des salaires équivalents à ce qu’ils pouvaient toucher avant. Le projet s’appelle “Programme Associé On Purpose”, a été créé à Londres il y a quelques années, et vient de se lancer en France.
Séduite, je me laisse le temps de la réflexion et postule (sans trop croire à mes chances) un week-end, trop impressionnée par le processus de recrutement musclé. Deux jours avant Noël, un coup de fil m’apprend que j’ai été prise : je commence ma première mission dans 3 mois ! Tout juste le temps de poser ma démission et de réaliser que je viens de bousculer mon destin et faire un bond dans l’inconnu…
L’inconnu, c’est de sortir d’un CDI très bien payé, dans une entreprise où on est reconnue et dans laquelle on travaille avec des collègues qui au fil des années sont devenus des amis, pour deux CDDs de 6 mois dans deux entreprises qu’on ne connaît pas encore… il y a forcément un moment où on se dit “est-ce que je ne suis pas en train de faire une connerie ?”. Mais l’envie de changer le monde et de sortir soi-même de sa zone de confort est trop forte, je fonce tête baissée en me disant que c’est en prenant des risques qu’on apprend le plus… et qu’on se sent le plus vivant !
Et maintenant ?
La première mission qui m’a été attribuée s’est déroulée chez MakeSense, association qui aide les entrepreneurs sociaux à résoudre leurs défis par des ateliers créatifs. J’ai aidé plus particulièrement la branche CommonsSense qui réapplique les outils et méthodologies d’innovation de MakeSense dans les grandes entreprises. Ma mission était articulée autour de deux objectifs principaux : accompagner leur changement d’échelle, c’est à dire mettre en place de nouveaux processus et documents pour aider l’équipe à s’organiser et se structurer, et évaluer l’impact de leur travail chez leurs clients.
Ma seconde mission se déroule en ce moment même chez Emmaüs France, où je réalise une étude de faisabilité pour un programme de réemploi de livres. Chargée de construire un business plan de A à Z, j’ai pu développer de nouvelles compétences qui me manquaient dans mon poste précédent : gestion de projets d’envergure avec différents types d’acteurs (entreprises, associations, institutions), suivi de budgets et recherches de solutions de financement, mise en place de politiques de gouvernance au sein de structures associatives ou entrepreneuriales complexes.
Au final, les moments de doute et de remises en question que j’ai pu ressentir lors du Programme Associé On Purpose représentent aussi son essence : il s’agit certes de développer de nouvelles compétences, mais aussi et surtout de développer une nouvelle manière de voir l’entreprise, et notre place au cœur de celle-ci. Nous sommes accompagnés tout au long de ce chemin par des mentors, des coaches, des formations passionnantes tous les vendredis après-midi sur le monde des entreprises sociales, mais également des sessions sur notre développement personnel. Cet enrichissement est bien plus important que ce que j’avais imaginé au départ. J’ai rejoint le programme en pensant évoluer en tant que professionnelle, j’ai finalement grandi en tant que personne.
Originally published at www.fuyonsladefense.com on January 20, 2017.