Une fois n’est pas coutume : la France aurait-elle à apprendre du système éducatif anglais ?
Par Hélène Louboutin, Associée On Purpose, promotion Février 2015.
Les mauvais résultats de la France au classement PISA (25ème dans les pays de l’OCDE) et les statistiques du système français mettent en évidence la difficulté à transmettre un même niveau de connaissances à l’ensemble des élèves. Le niveau global en baisse traduit en effet des inégalités croissantes entre des élèves à l’aise dans un système souvent considéré comme élitiste et un échec scolaire croissant, allant de pair avec un sentiment anxiogène répandu face à l’apprentissage. Le niveau de décrochage en France, évalué à 140 000 jeunes chaque année, confirme ce constat.
Le système français, descendant et hiérarchique, focalisé sur l’acquisition de connaissances et la transmission de disciplines, négligerait-il les “soft skills” et l’apprentissage du développement personnel ? Prise d’initiative, coopération, capacité à communiquer, empathie, sont autant de compétences transversales essentielles à l’épanouissement et à la construction de l’individu et qui semblent trop peu mises en avant dans le système éducatif français.
On a récemment lu dans les médias que la France, malgré son niveau de vie élevé et son Etat providence développé, n’est paradoxalement pas un pays très heureux. Le système éducatif semble porter une part de responsabilité dans ce constat. Claudia Senik, professeur à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris, note un fait révélateur de cette situation : “les immigrés qui étaient passés par l’école en France depuis un très jeune âge étaient moins heureux que ceux qui n’étaient pas passés par l’école française”. Ainsi, ajoute-t-elle, “quand on est en France, toutes choses égales par ailleurs, on a 20% de chances en moins d’être heureux — en tout cas de se dire très heureux.” Quelque chose dans le système éducatif français tendrait-il à tuer le bonheur ?
La comparaison avec le système anglais, pourtant rarement pris en exemple en la matière, est intéressante de ce point de vue. Malgré une difficulté avérée à combattre les inégalités, leur principe de fonctionnement associant enseignement cognitif et comportemental mène à un développement plus équilibré des enfants.
Alors que le système français repose sur des programmes directifs centrés sur la transmission d’un corpus de connaissances bien défini, le système éducatif anglais présente plus d’autonomie et de flexibilité, favorisant le développement de élèves. Ainsi au Royaume-Uni, dès l’école primaire et après le collège, une à deux heures du temps scolaire sont dédiées au développement des compétences sociales (SEAL — Social Emotional Aspect of Learning) et certaines initiatives proposent la mise à disposition d’un personnel spécifique à l’écoute des élèves (thérapeutes par exemple).
L’école est responsable du développement des intelligences émotionnelles, de la coopération et de la motivation des élèves au même titre que l’acquisition des connaissances et méthodes. Pour contribuer efficacement à l’intégration, et porter des valeurs autour du vivre ensemble, le système éducatif se doit de travailler de plus en plus au développement de ce que les anglo-saxons appellent les « life skills ».
Sans remettre en cause l’excellence académique française, le potentiel d’évolution pour le système éducatif est important. L’enjeu est de dépasser les réformes successives qui s’inscrivent dans une démarche de changement centralisée et difficile à mener du fait de nombreux antagonismes et de l’inertie du « mammouth ».
L’action des associations à tous les niveaux du système, des régulateurs aux enseignants, représente un levier d’action grâce à une capacité d’influence significative à travers l’accompagnement direct des enseignants, la conception de nouvelles méthodes et approches mettant l’innovation à l’honneur. L’association SynLab en est un bon exemple — elle réalise un pont entre la recherche et le terrain, en rendant accessibles les résultats de la recherche internationale aux acteurs éducatifs et en les accompagnant et fédérant une communauté afin de permettre d’offrir à tous les enfants, notamment les plus en difficulté, les conditions de la réussite éducative.
Hélène Louboutin,
Associée On Purpose, promotion Février 2015